En complément de l'exposition en ligne Kitihawa's Chandelier réalisée par le photographe Nicolas Henry que nous présentons sur notre site internet jusqu'au 31 juillet 2020, nous vous invitons à découvrir son parcours et ses préoccupations à travers la lecture d'une courte interview.
Kitihawa's Chandelier est visible sur notre site jusqu' à la fin du mois de juillet.
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Loft Art Gallery : Les différentes séries qui composent ton travail nous entraînent systématiquement aux quatre coins du monde. D’où te vient cette passion pour l’ailleurs et ce besoin constant d’aller vers les autres ?
Nicolas Henry : A la suite de mes études aux beaux arts, j’ai été engagé par le photographe Yann Arthus-Bertrand comme réalisateur pour le projet 6 milliards d’autres, dont j’ai ensuite assuré la direction artistique, pour l’exposition au Grand Palais. Pendant des années j’ai parcouru le monde pour filmer les gens et leur faire le questionnaire de Proust. Ce mode de vie avec son intensité extrême est devenu une quête et je me suis mis à photographier en amenant des anciens puis de communautés entières à s’exprimer, et à s’engager par la parole.
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LAG : Tes clichés alternent des lieux quasi déserts et de grandes mégalopoles comme New-York ou Tokyo. Comment décides-tu des endroits où prendra place ton théâtre éphémère ?
J’aime le contraste! On se rend compte que malgré les environnements extrêmement différents où vivent les hommes, nous sommes tous animés par les mêmes désirs, besoins et réflexions. Nous combattons la peur de l’autre et nous éveillons à la vigilance face aux dérives de la pensée et de la peur. J’aime l’architecture, et les paysages, les lumières des mégalopoles et celle des crépuscules naturels. Le monde est intense dans toutes ces dimensions et c'est ce que j'aime en lui.
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LGA : J’évoquais le mot théâtre dans ma question précédente. Quelle importance accordes-tu à la mise en scène ?
Je cherche sans cesse à faire basculer le réel dans un monde symbolique et imaginaire. Pour cela je pars en prises de vues à travers le monde avec plus de 200 kilos de matériel lumière. Je crois fermement en la construction d’une dramaturgie lumineuse comme un espace qui porte sens et nous révèle la beauté du monde. Pour cela, je vais croiser les états lumineux du jour avec mes lumières théâtrales. Je forme ensuite une équipe locale et avec elle je mets en oeuvre la fabrication d’un décor et d’une scène. Je demande alors à mes personnages de jouer de manière à ce que l’action soit de plus en plus narrative et lisible dans la fresque que j'ai imaginé et construite.
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L.A.G. : Je t’ai souvent entendu dire que lors des mises en scène, les communautés toutes entières se joignent au projet et collaborent aux prises de vues. Peux-tu nous expliquer le processus ?
N.H. : J’utilise une forme de théâtre itinérant au travers duquel j’amène les gens à s’exprimer devant leur propre communauté. C’est ce moment précis que je recueille en image. Quand j’explique le processus, et que je montre des photographies plus anciennes, les gens m’ouvrent facilement leur porte. Je suis persuadé que l’être humain est fondamentalement généreux et ouvert quand il ne sombre pas dans la défiance et la peur. Faire émerger la parole au sein d’une communauté permet de créer un débat, des points de vues, une réflexion ... L’humain dépasse l’objet photographique pour devenir le l'sujet et acteur de son propre engagement dans la société.
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L.A.G. : L’Afrique tient une place de choix dans ton travail. Que t’évoque ce continent et à quel moment de ta vie l’as-tu découvert? Pourquoi as-tu décidé très récemment de réaliser une série au Sénégal, en Casamance?
Enfant, j’étais quasi le seul blanc de ma classe de maternelle à Aulnay-sous-bois puis j’ai ensuite déménagé dans un village de campagne, et à l’école il y avait un seul jeune d’origine Africaine, mon meilleur ami.
Mon premier voyage en Afrique a été l’Ethiopie, un choc merveilleux, puis je suis parti au tribunal d’Arusha au Rwanda pour travailler sur le génocide et sur les missions Sida de Médecin du monde. Ensuite, ce fut le désert au Mali, et des dizaines de voyages se sont succédés.
J’aime travailler en Afrique car les gens participent fortement à l’âme de mon travail, l’expression y est naturelle et on se comprend instinctivement.
Plusieurs amis m’avaient parlé de la Casamance, des croyances des Diolas, d’une nature habitée par les esprits, qui correspondait à mes préoccupations actuelles et ma volonté de créer des images dans un monde sauvage.
De plus, comme je voyage souvent avec mes enfants c’est un endroit facile et sûr pour eux. -
Exposition en ligne sur notre site jusqu'au 31 juillet 2020
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