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L'exposition Le Jardin en soi est ouverte dans nos espaces
de Casablanca. nous vous proposons de rencontrer nos
artistes, Amina Agueznay, Joana Choumali et Ghizlane Sahli
à travers quelques questions sur l'exposition et leurs
oeuvres.
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Qu’évoque pour toi le titre de l’expo Le jardin en soi ?
Le titre Le Jardin en soi ne pouvait pas mieux correspondre aux propos qui m’animent.
Le Jardin, son irrigation, ses plantations ont toujours été pour moi des vrais sujets de prédilection. J’en ai même fait ma thèse, lors de mon diplôme d’architecture.
Qu’il soit ornemental ou potager, la symbolique qui s’en dégage est essentielle. C’est autant un lieu intime d’évasion et de recueillement, qu’un lieu qui nous nourrit.
Il nous rattache à la Terre.
Mon travail raconte une histoire personnelle, un périple intérieur et organique. Il est porté par une dimension universelle.
Je partage cette histoire pour parler de mes émotions et de mon intériorité. Le Jardin en moi.
En quoi le textile te ramène t-il à l’intime ?
Le textile me ramène forcément à l’intime, puisqu’il participe à cette recherche de vérité, cette recherche de soi. Il est mon moyen d’expression. Celui qui me permet d’extraire de mon être ce que j’ai à dire. Il a son propre langage et devient ainsi une émanation universelle. Chacun y trouve sa propre interprétation.
Le travail du textile est un moment d’isolation et d’introspection, qui amène à une réflexion sur soi et sur le sens de ce qui nous porte.
Qu’éprouves-tu lorsque tu tisses et couds ?
Je ne tisse pas (pas encore), je ne couds pas. Je brode.
Les gestes accomplis inlassablement, qui accompagnent cette broderie approfondissent cette quête intérieure. Ces gestes sont répétitifs, réguliers et dénués de toute intellectualité.
C’est un moment sacré et méditatif, où l’acte de broder devient un véritable mantra. On entre alors dans une espèce de transe.
Il s’installe ainsi une sorte de dialogue entre l’œuvre et moi et je la laisse me guider.
J’ai souvent le sentiment que l’œuvre, contrairement à moi, sait où elle veut aller, et me dirige.
Je me sens alors Libre.
Pourquoi la fibre est-elle importante pour toi ?
J’ai toujours été une grande amoureuse du tissu, de la broderie et du fil.
Le fil lie, unit et tisse. Il symbolise quelque chose d’ineffable et de l’ordre du sacré.
L’aiguille, à laquelle il se rattache, fait d’abord un trou, le fil y pénètre. Il s’accroche ensuite à cette matière. C’est une connexion de deux entités distinctes qui ne forment désormais plus qu’un.
C’est aussi pour moi, un moyen d’affirmer et de me rattacher à ma Féminité qui est essentielle dans le propos de mon travail. La broderie a toujours été dans toutes les cultures, une échappatoire qui permettait aux femmes de s’exprimer et de s’évader. Elle est aussi, dans beaucoup de traditions, l’objet de représentation qui accompagne chacun dans les moments importants de son existence. Le fil incarne ainsi la mémoire et les traditions.
Il est une Histoire de Femmes qui se transmet de génération en génération.
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Qu’évoque pour toi le titre de l’expo Le jardin en soi ?
Le Jardin en soi est le titre de l’installation que je présente à l’intérieur de l’exposition à laquelle elle a prêté son nom. Il évoque pour moi l’espace intérieur, celui que nous avons en chacun de nous. Cet espace est pluriel et se nourrit de notre histoire, de notre vécu. C’est un espace mouvant qui s’adapte et évolue au cours de notre existence.
Pour l’exposition, mon espace intérieur s’est mis à bourgeonner et le vert s’est imposé. J’ai souhaité transposer ce ressenti à l’intérieur de l’espace de la galerie et plus particulièrement dans ses bureaux, lieu où se concentrent toutes les énergies selon moi.
Probablement influencée par ma formation d’architecte, le jardin a pris une forme urbaine. Je parle alors de paysage urbain. L’ensemble des boîtes de la série Construction, The Inner Garden a été pensé comme une grande allée menant à l’installation centrale. Une fois encore c’est le jeu d’échelles qui m’intéresse. Chacune d’entre elles peut aussi être vue comme un espace intérieur, intime et personnel.
En quoi le textile te ramène t-il à l’intime?
Le textile me ramène à la matière qui me ramène au savoir-faire dont l’essence même n’est autre que le geste. Je pense au métier à tisser et aux femmes qui l’utilisent. Je pense aux nombreuses histoires qui se tissent sur ces métiers et à l’intimité du moment partagé.
Pour moi, l’intime est lié à l’immatériel et à l’invisible. C’est déjà cette idée que j’explorais à travers l’œuvre intitulé « Incarner le visible, Acter l’invisible » réalisée en 2019 pour la Biennale d’art contemporain de Rabat où elle a été exposée.
Qu’éprouves-tu lorsque tu tisses et couds ?
Je tisse et je couds le processus créatif. Je tisse les matières et couds les volumes. J’imagine et je crée les lignes qui, sous des mains expertes prendront forme. Je tisse et je couds l’immatérialité de ce processus créatif. Je tisse et je couds l’excitation qu’il me procure. Le geste prédomine, toujours.
Pourquoi la fibre est-elle importante pour toi ?
La fibre est toute entière liée à l’humain. La manière dont elle est produite, dont elle est préparée, lavée, cardée, filée, teintée relève de la performance. C’est cette histoire qui m’intéresse et la transmission que j’en fais. Je me définis comme une créatrice de matière.
Lorsqu’on la travaille, la fibre garde en mémoire l’aspect de celui qui l’a au préalable produite. Vient ensuite l’artiste qui pense la fibre comme une œuvre d’art, puis le public qui la regarde. Il y a pour moi une transmission d’émotions inhérentes au processus de création de la fibre elle-même et de l’œuvre en particulier. L’histoire qu’elle génère entre les hommes est de loin celle qui m’intéresse le plus.
Sa provenance est importante, sa préparation, son toucher, son odeur … avec la fibre, tous les sens sont en éveil. Contrairement à d’autres matériaux elle dégage une certaine sérénité que je trouve très intéressante, apaisante et rassurante. Ainsi, il n’est pas rare que certaines de mes œuvres endossent un caractère protecteur. C’est le cas des deux colliers monumentaux qui accueillent le visiteur à l’entrée de la galerie puis à l’entrée de mon installation. La fibre est chargée d’humanité et cela se sent, se ressent.
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Qu’évoque pour toi le titre de l’exposition Le Jardin en soi ?
Le titre évoque le développement intérieur, la quête de sa propre vérité, et l'évolution de l'être intérieur. La notion de jardin relève aussi de l'entretien et de la beauté, du fait de prendre soin de soi, et des autres aussi. C'est de l'ordre du bien-être, du beau et du bon.
En quoi le textile te ramène t-il à l’intime?
Le textile en général fait appel à plusieurs sens à la fois : au toucher, à la vue, et même parfois à l'odorat. C'est une expérience sensorielle en soi, qui mène souvent aux premiers souvenirs de la vie, et à ceux qui sont les plus marquants tels que la naissance, l’accouchement, la mort aussi, et ce dans toutes les cultures. Le textile transmet un large spectre d'émotions que ce soit consciemment ou inconsciemment. Être en contact avec un textile pourrait se substituer à un langage. Dans mon travail, le fait d'intégrer le textile lui a donné une direction un peu différente, car cela m'a permis d'exprimer des choses que je n'arrivais pas à exprimer avec des mots.
Qu’éprouves-tu lorsque tu tisses et couds?
Je suis comme dans un moment de méditation. C'est un processus très subtil et particulier. Je me sens bien. Mon cerveau est en pleine activité, en pleine conscience du geste et en même temps, il y a tout un espace qui me permet d'explorer ma créativité et le discours que je voudrais exprimer dans mon travail. Parfois, c'est la pièce finie qui me révèle quelque chose que j'ignorais.
Pourquoi la fibre est-elle importante pour toi?
La fibre est un lien entre soi et l'autre.
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Découvrir les oeuvres de l'exposition
Le Jardin en soi I The Inner Garden: En conversation avec les artistes
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