Si loin, si proche...
Trois petites lettres. Mises bout à bout, elles finissent par se réunir par un M, initiale de l’un et chute du nom de l’autre ... M, une lettre homonyme, médiane de l’alphabet qu’elle semble réunir par ses enjambements doubles... elle se prononce aime ... Moa et Kim, donc, ou Kim et Moa, peu importe.
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Un titre de Roman possible et parfait dans lequel après plusieurs atermoiements de l’amour rendu impossible quand il devient justement possible, les deux héros partagent un destin quasi mythologique. Cela n’est pas sans rappeler la synthèse pertinente opérée par le romancier turc et prix Nobel de littérature Orhan Pamuk dans son dernier ouvrage (1). S’interrogeant et interrogeant la filiation dans le contexte particulier de son pays syncrétique de l’Europe et l’Orient qu’il réconcilie autant qu’il confronte, il dévoile un parallèle passionnant entre le mythe Œdipien fondateur de la culture gréco- romaine et donc occidentale avec son pendant Perse aux sources de ces mêmes constructions situées cette fois-ci en Orient ... là-bas, Œdipe assassine son père pour réaliser son destin (2). Ici, Rostam sacrifie son fils Sohrab (3) dans un geste aux portées similaires ...
(1) Orhan PAMUK, La Femme aux cheveux roux. 2016.
(2) Jean COCTEAU, Œdipe Roi. 1937.
(3) FERDOWSI, Le livre des Rois. XIe siècle.
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Dans la famille Bennani, deux peintres enchevêtrés également dans ces différentes cultures, orientale et occidentale que réconcilie d’une certaine façon l’utopie andalouse, jouent et rejouent dans leur roman personnel, leurs interprétations changeantes du mythe aussi bien œdipien que « Sohrabien » ...
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(...)
De la confrontation à la réconciliation. De l’altérité, passage obligé de l’individuation et de la filiation au dialogue et à l’interpénétration. Comme un écho longtemps recherché, qui de la dissonance atteint une harmonie contrapuntique. Ou quand deux solistes « duellisent » en polyphonie avant de s’accorder dans un gymel ... passant de la fugue au canon ...
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Regardez bien les œuvres du père et du fils réunies ensemble dans la galerie de la Banque populaire. Pour qui connaît l’œuvre de Moa Bennani, maître matiériste de l’école dite du Nord et/ou celle de Kim Bennani, dont les paysages ont su répondre aux premières modernités dites impressionnistes par une belle affirmation personnelle, il pourrait sembler au premier regard que la vie, le temps suivent leurs cours en confirmant la maîtrise différenciée de l’un et l’autre.
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Ce n’est pas tout ! Regardez bien !Les pigments de l’un abandonnent progressivement la couleur pure, les bleus et les rouges flamboyant pour des tonalités davantage organiques alors que chez l’autre le noir fait son apparition et se mêle à sa palette habituelle pour rehausser chaque teinte d’une profondeur nouvelle permise par cet assombrissement théâtral et dramatique.
Savez-vous encore et toujours qui est le père et qui est le fils ? Sans doute, mais saurez-vous différencier avec autant de certitudes les intentions, le vécu, ou les sentiments de l’un et de l’autre ? Dans cette harmonie contrapuntique des couleurs et des formes, l’unisson se fait souvent entendre, comme un écho enfin trouvé, ou retrouvé...
Syham Weigant, novembre 2019.
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Pour aller plus loin
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Oeuvres disponibles
Moa Bennani -
Oeuvres disponibles
Kim Bennani